«Mesdames et Messieurs de la presse tant nationale quinternationale,
Je vous ai invités aujourdhui afin de vous donner des éclaircissements au sujet de la question de la mission denquête envoyée par le Secrétaire général des Nations Unies en République Démocratique du Congo depuis juillet 1997 et qui nous préoccupe actuellement. En effet, nul nignore quen juillet 1994, lopération Turquoise commanditée et dirigée par la France et cautionnée par lONU a transféré la tragédie rwandaise sur le territoire congolais. Ainsi, des Rwandais innocents ont été forcés de quitter leur pays pour servir de «boucliers humains» à ces génocidaires, entrés chez-nous avec tout leur arsenal militaire sans en être dépourvu par ces forces présentes de lONU, car décidés de continuer leur sale besogne à partir du et/ou sur le territoire congolais. Ces flux massifs ont directement déclenché une série des fléaux dont le choléra qui a coûté la vie à plus ou moins 45.000 âmes, rwandais et congolais confondus. Des camps ont été vite érigés, par les organisations humanitaires, à côté de la frontière internationale rwando-congolaise pour permettre des infiltrations au Rwanda dans le but de reconquérir le pouvoir de Kigali. Le Gouvernement intérimaire rwandais (GIR) en exil, par le biais des interahamwe et des ex-FAR, a organisé politiquement et militairement ces soi-disant camps des réfugiés, au vu et au su de ces forces multinationales de lopération Turquoise et des acteurs humanitaires mais curieusement sans aucune dénonciation de leur part. Beaucoup déléments des ex-FAR et des interahamwe se sont infiltrés dans plusieurs communes congolaises (Masisi, Rutshuru, Kalehe, Uvira, etc...) pour tuer des Congolais, piller leurs biens, occuper leurs champs et maisons, etc... sans en être empêchés ni par les troupes de lONU ni par les Forces armées zaïroises (FAZ) qui, pourtant le pouvaient. Ces soi-disant camps des réfugiés sont devenus de grands marchés et abattoirs des biens et bêtes pillés des Congolais, soutenus et financés par certains organismes humanitaires. La faune et la flore dans cette partie de notre pays nont pas été épargnées de sorte que dans les deux Kivu, la vie sest arrêtée. Ces violations graves ont été quand même dénoncées par certains humanitaires qui, malheureusement, ont été incapables de les juguler. Bien quinformés régulièrement, lONU et/ou certains de ses membres nont rien fait pour arrêter ce drame. Au contraire, quelques membres de la Division spéciale présidentielle de Mobutu regroupés au sein du Contingent zaïrois pour la sécurité des camps (CZSC) et payés par lONU ont pactisé avec les ex-FAR et les interahamwe pour exacerber la crise au lieu de la freiner.
Ils ont :
- accéléré les infiltrations déléments armés dans les préfectures rwandaises limitrophes du Kivu, la livraison darmes et le recrutement des jeunes;
- bloqué le rapatriement volontaire des Rwandais;
- déporté ou tué massivement des Congolais, surtout tutsi vers le Rwanda, lOuganda et le Burundi.
Malheureusement, cette aggravation de la situation na incité aucune réaction de la communauté internationale malgré linsistance de la presse qui na pu que se limiter à la dénonciation de ces faits.
Mesdames et Messieurs,
Fatigués de ce silence coupable de la communauté internationale face à ces violations ; graves de leurs droits, les Congolais se sont mis débout pour non seulement se libérer mais aussi les Rwandais innocents gardés forcément comme réfugiés par les ex-FAR, les ex-FAZ et les interahamwe pour des raisons politico-militaires notoires. Ces nationalistes regroupés au sein de lAlliance des forces démocratiques pour la libération du Congo ont vite déclenché la guerre à partir dUvira, le 1er septembre 1996 en protection des Tutsi dénommés «Banyamulenge» entrain dêtre exterminés et/ou déportés vers les pays voisins par la coalition des Forces armées zaïroises, des ex-Forces armées rwandaises et des interahamwe. La guerre a bien évolué en faveur de lAFDL qui, grâce à lappui de certains Africanistes, est parvenue à moins de deux mois à semparer dUvira, de Bukavu, de Goma et de Bunia et à rapatrier plus ou moins un million des Rwandais bien que leurs camps aient été fort militarisés par la coalition précitée pour contrecarrer lavancée des libérateurs. LAFDL a fait ce quelle a pu pour sauver beaucoup dâmes et les honnêtes responsables des agences humanitaires pourraient le témoigner. Par contre, ceux qui ont continué avec les ex-FAR, les ex-FAZ et les interahamwe ont presque tous péri de fatigue, de faim, des maladies ou de balle, etc... Et ce sont ces morts jonchant la trajectoire des armées vaincues que certaines puissances de lONU, mécontentes de notre victoire sans leur participation, tentent de vouloir imputer à notre gouvernement de salut public. Pour y arriver, ces puissances mal intentionnées ont influencé les autres membres de lONU pour voter la résolution denvoyer en République Démocratique du Congo une mission denquête sur les massacres des réfugiés rwandais au lieu de renforcer le Tribunal dArusha institué pour juger les auteurs. Pourquoi cette enquête en République Démocratique du Congo, alors que les auteurs sont les mêmes que ceux qui ont planifié et exécuté le génocide rwandais, avec lappui de ceux qui nous accusent aujourdhui ? A moins quil sagisse peut-être de compter le nombre des victimes et dévaluer les dégâts. Ne se reprochant de rien, le gouvernement de salut public a accepté cette enquête. Malheureusement, depuis son arrivée, léquipe denquête au service et sous linfluence de certains auteurs invisibles de la tragédie rwando-congolaise ne fait que créer des problèmes au gouvernement congolais. Cest pourquoi, le gouvernement de la République Démocratique du Congo qui sinquiète du retrait de la mission denquête des Nations Unies, sans motifs réels et valables, attire lattention du Secrétaire général sur les points suivants :
1. Depuis son arrivée en République Démocratique du Congo, en juillet 1997, léquipe denquête, nayant aucun plan de travail na jamais cessé de violer expressément les protocoles daccord qui nous régissent et ceci dans le but de séterniser sur le territoire congolais.
2. Engagé à faciliter toujours les travaux de cette équipe, le gouvernement de la République Démocratique du Congo a maintes fois toléré ces violations jusquà accepter de modifier souvent certains termes desdits protocoles; la période et lespace sur lesquels sétend lenquête en sont des exemples frappants.
3. Après quatre mois de travail dans la seule province de lEquateur, la mission denquête a dû y quitter volontairement par crainte de la population locale quelle venait dinsulter par la profanation de son cimetière traditionnel situé à Wendji-SECLY, le prétendant être «une fosse commune» où seraient enterrés les réfugiés rwandais. Léquipe des enquêteurs est rentrée clandestinement de Mbandaka à la veille de sa réconciliation avec la population blessée par linsulte délibérée de profanation du cimetière à Mbandaka.
4. Le 12 février 1998, léquipe denquête a eu lautorisation officielle de se rendre et de travailler dans les deux provinces du Kivu et à Kisangani. Malheureusement, jusquà ce jour ces enquêteurs nont jamais été ni à Bukavu ni à Kisangani. Les raisons nont jamais été communiquées au gouvernement.
5. Le 4 février 1998, le gouvernement de la RDC a octroyé des laissez-passer à cinq enquêteurs pour se rendre en République Centrafricaine.
6. Entré comme touriste en République Démocratique du Congo, avec un passeport canadien, Monsieur Christopher Harland est devenu ensuite enquêteur des Nations Unies, bénéficiant ainsi dun laissez-passer y relatif.
7. Le gouvernement de la République Démocratique du Congo qui a toujours autorisé, sur leur requête, aux enquêteurs de lONU de se rendre dans les pays voisins comme le Congo-Brazzaville, la République Centrafricaine... ne pourrait pas leur refuser de visiter le Rwanda sils le lui avaient demandé.
8. Après 13 jours de travail à Goma (Nord-Kivu), Monsieur Christopher Harland sest rendu au Rwanda voisin, sans autorisation préalable du gouvernement congolais qui a le devoir dassurer sa sécurité et celle de ses collègues conformément aux accords intervenus entre le gouvernement de la République Démocratique du Congo et la mission denquête.
9. Pour sortir de la province du Nord-Kivu, Monsieur Christopher Harland a manipulé les services de sécurité de nos deux pays par lexhibition de son passeport des Nations Unies (LP n° 52805) à la frontière congolaise et de celui du Canada (BC 051952) au poste rwandais.
10. Au terme de la lecture et examen du passeport canadien qui lui a été présenté, le service rwandais dimmigration a constaté quil ny avait aucune trace attestant le passage de Monsieur Christopher Harland à la frontière congolaise.
11. Devant cette irrégularité dont lauteur na pas révélé les motifs, le Rwanda na fait que le renvoyer au Congo pour se conformer à la routine transfrontalière.
12. A son arrivée à la frontière congolaise, Monsieur Christopher Harland a présenté les deux passeports au service dimmigration. LUtilisation tantôt alternée tantôt simultanée de deux différents titres de voyage a attiré lattention de nos services frontaliers. Incapables de savoir si celui-ci était enquêteur ou touriste, nos services ont transmis leur rapport à la hiérarchie qui a demandé à Monsieur Christopher Harland de descendre à Kinshasa pour régulariser sa situation.
13. Arrivé à laéroport de NDjili, Monsieur Harland a refait la même erreur en présentant les deux passeports à nos services de sécurité. Ces derniers lont directement suspecté jusquà lui demander douvrir ses bagages.
14. Devant le refus persistant de ce Monsieur douvrir ses bagages, nos services de sécurité, conformément aux dispositions réglementaires de larticle 36, alinéa 2 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques concernant le bagage personnel de lagent diplomatique et sur celles de larticle 35, paragraphe 3 de la Convention de Vienne du 26 avril 1963 sur les relations consulaires concernant la valise diplomatique ont demandé à ce suspect douvrir lui-même ses colis. Le refus de les ouvrir lui a fait perdre beaucoup de temps à laéroport jusquà ce que les autorités supérieures sont intervenues pour son relâchement. Aucun de ses documents na été ni lu ni photocopié, comme le prétendent les responsables des Nations Unis car les quelques mallettes fouillées en sa présence ont été ouvertes et refermées par lui-même.
15. Pour des fautes commises par eux-mêmes, les enquêteurs et les autorités des Nations Unies se sont toujours permis daccuser faussement le gouvernement de la République Démocratique du Congo malgré sa bonne volonté permanente de coopérer pleinement avec eux pour la réussite effective de cette mission.
16. Fatigué de ces fausses accusations répétées régulièrement qui ne visent que son incrimination par quelques lobbies membres de lONU, le gouvernement de la République Démocratique du Congo qui est un Etat souverain, ne devant rien à personne, dénonce ces attitudes rétrogrades dont lobjectif nest que lhandicap de la reconstruction du Congo Démocratique détruit par le régime de Mobutu appuyé par ces mêmes lobbies.
17. Enfin, toujours disposé à contribuer à la réussite de cette enquête, le gouvernement congolais espère que lONU parviendra à dégager objectivement les responsabilités et à punir dune manière exemplaire les auteurs et à indemniser les victimes dont le peuple congolais.
Fait à Kinshasa, le 18 avril 1998.
Prof. Etienne-Richard Mbaya».