La survie, un défi quotidien pour la population de Kinshasa

Dim 25 Avr 99

KINSHASA, 25 avr (AFP) - Manger une fois par jour, payer le loyer du logement familial relèvent désormais du défi quotidien pour la majorité des cinq millions d'habitants de Kinshasa, où les conditions de vie se sont dramatiquement détériorées après neuf mois de guerre.

Le financement de l'effort de guerre dans l'est de la République Démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) contre la rébellion appuyée par les armées rwandaise et ougandaise, a mis à terre ce qui tenait encore d'une économie déjà moribonde dans les dernières années du régime Mobutu et aggravé la situation sociale déjà très précaire.

Depuis la réforme monétaire de juin, le Franc congolais (FC), la nouvelle monnaie nationale, s'est déprécié de plus de 400% passant de 1,40 FC pour 1 USD à 5 FC actuellement, avec pour corollaire le retour de l'inflation.

Les prix des denrées alimentaires de base ont doublé, voire triplé ou quadruplé.

Les dernières augmentations intervenues sur les prix de carburant (plus de 200%) et des transports publics (100%) ont encore aggravé la situation sociale, les salariés voyant leur pouvoir d'achat largement amputé.

Un chef de service dans l'administration gagne l'équivalent de 10 USD par mois, soit le prix d'un sac de riz de cinq kilos.

A Kinshasa, où nourrir sa famille une fois par jour constitue déjà un signe de bien-être, désormais seuls la débrouillardise et les petits métiers font vivre les ménages.

Dans une ville où le taux de chômage dépasse les 60%, du fait des fermetures d'entreprises confrontées à la dégradation de l'économie et à des taxes exhorbitantes, les femmes sont devenues la cheville ouvrière des ménages.

Dans la plupart des foyers, elles ont pris la relève pour subvenir aux besoins essentiels, s'adonnant au petit commerce de pain, de légumes et d'autres produits vivriers dans les différents marchés ou devant les portes de leurs habitations.

Dès 5h du matin, des colonnes de mères et de grands-mères quittent leurs maisons pour se ruer vers les ports situés le long du fleuve Congo qui borde la ville, à la recherche des rares produits (cossettes de manioc, maïs, poisson fumé, haricots) qui arrivent encore de l'intérieur du pays et qu'elles vont revendre ensuite au détail à la cité.

De nombreux fonctionnaires ont déserté les bureaux: ils s'adonnent aux cultures maraîchères dans la périphérie de la ville ou à l'élevage familial, pour ceux qui disposent de leurs propres parcelles.

La chute des revenus a aussi des conséquences néfastes sur les relations entre bailleurs et locataires.

Les commissariats de police et les mairies passent une bonne partie de leur temps à régler de multiples conflits nés de l'impossibilité de familles de payer leur loyer. Certains locataires n'ont plus assuré leur loyer depuis le début de la guerre, le 2 août 1998.

Les recrutements massifs pour la formation du nouveau corps de la police et pour l'armée ont permis d'éponger une partie du chômage des jeunes, diminuant ainsi de façon perceptible la criminalité dans la ville.

Mais les milliers de jeunes qui continuent à pointer chaque matin aux centres de recrutement de l'armée dans l'espoir d'accéder à une rémunération régulière démontrent la précarité des conditions sociales. Un militaire touche une solde de 100 USD par mois.

Des centaines d'adolescentes, parfois très jeunes, s'adonnent publiquement à la prostitution. Nombre d'entre elles sont devenues le principal soutien financier de leurs parents, frères et soeurs.

Il n'est pas rare à Kinshasa qu'au sortir de l'école, du moins pour ceux qui y vont encore, des enfants de moins de 14 ans enlèvent leurs uniformes pour retourner dans la rue comme marchands d'eau glacée en sachets ou vendeurs de pétrole lampant, avec le consentement de leurs parents.

Conscient du malaise social diffus, le gouvernement a demandé aux Kinois d'attendre des jours meilleurs et d'être solidaire avec leurs compatriotes de l'Est qui subissent directement la guerre.

AFP 1999