COMITE D'ACTION POUR LA RESISTANCE TOTALE «CARTO» et FORUM DEMOCRATIQUE DES FORCES PROGRESSISTES DU CONGO en abrégé Forum des Progressistes

ANALYSE DE L'ACCORD DE PAIX DE LUSAKA ET PROPOSITIONS D'AMENDEMENTS

Dans son message télévisé à la Nation de vendredi 9 juillet à 0 heure, le Président de la République a demandé à la Nation de se pencher sur le texte de l'Accord de Cessez-le-feu de Lusaka pour lui faire des propositions d'amendements. Ces propositions devraient lui parvenir au plus tard dans la soirée du même vendredi 9 juillet.

Dans ce cadre, CARTO et son Bureau d'étude que constitue le Forum des Progressistes ont accepté d'apporter ici sa contribution à la question de la paix dans notre Pays.

I. ANALYSE DE L'ACCORD DE LUSAKA

Analyse du texte de l'Accord.

A la page 1 nous lisons au § 7 ce qui suit :
«Déterminées en outre à mettre fin immédiatement à toute aide aux forces négatives déterminées à déstabiliser les pays voisins, cesser immédiatement toute collaboration avec ces forces ou de leur accorder un sanctuaire»

Ce § est en contradiction avec l'article III, 11a où le Conseil de Sécurité fait prescription au seul gouvernement de la R.D.C. de poursuivre tous les groupes armés en R.D.C. entendus ici seulement comme les groupes qui portent atteinte à la sécurité du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi ; alors que dans le même texte une place privilégiée est laissée pour les groupes «rebelles congolais» qui portent atteinte à la R.D.C.

Au § 8 nous lisons :
«Soulignant la nécessité de veiller au respect des principes de bon voisinage et de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un autre pays»

A la page 2 nous lisons :
AU § 8 : «Reconnaissant que le conflit en R.D.C. a une dimension à la fois interne et externe qui trouvera sa solution dans le cadre des négociations politiques inter-congolaises et de l'engagement des Parties à la mise en œuvre de cet Accord»

Les deux § 8 de la page 1 et de la page 2 confirment la thèse qu'il n'y a pas agression de la R.D.C. par ses voisins, mais qu'il s'agit uniquement d'un conflit entre les Congolais. Et cela en dépit de la reconnaissance par le Rwanda et l'Ouganda en particulier de la présence de leurs forces armées au Congo.

Cette reconnaissance médiatisée est en contradiction flagrante avec le § 8 de la page 2 et avec le point 11a de l'article III. Elle est également en contradiction avec le point 19 de l'article III où il est attendu «…des négociations politiques inter-congolaises un nouvel ordre politique» apte à rassurer les pays voisins, voir déclaration de Kagame in Soft International du 10 mai 1999. L'ingérence des pays voisins et de leurs parrains dans l'organisation et l'administration de l'Etat en R.D.C. est non seulement plausible mais elle est soutenue par les auteurs du texte de l'Accord.

A la page 5, le point 12 de l'article III stipule :
«Le retrait définitif de toutes les forces étrangères du territoire national de la R.D.C. sera effectué conformément au Calendrier figurant à l'Annexe du présent Accord et au programme de retrait qui sera arrêté par les Nations-Unies, l'OUA et la Commission Militaire Mixte»

Ici les auteurs du texte méconnaissent à la R.D.C. son droit à l'autodétermination en tant que Pays Souverain capable d'inviter ses Amis et de remercier ses alliés d'hier. Cette méconnaissance est en contradiction avec l'article III point 15 de la même page qui stipule : « Rien dans cet Accord ne devra, en aucune manière, nuire à la souveraineté ni à l'intégrité territoriale de la R.D.C.»

Par le point 12, les auteurs du texte de l'Accord font semblant de renvoyer dos à dos les forces d'agression du Congo et les forces alliées invitées par le gouvernement congolais.

A la page 6 au point 21 de l'article III nous lisons :
«Les Parties affirment la nécessité de trouver des solutions aux préoccupations de sécurité de la R.D.C. et des pays voisins».

Ce point 21 contraste par son caractère vague avec le point 11a du même article III où un mandat express est prescrit au gouvernement de la R.D.C. qui le constitue en garde chiourme devant assurer la sécurité des pays voisins ; actuellement agresseurs de la R.D.C. Alors que le point 21 affirme seulement la nécessité de trouver des solutions aux préoccupations de sécurité de la R.D.C. et des pays voisins, le point 20 de l'article III ouvre la voie du pouvoir d'Etat aux rebelles congolais par leur intégration non seulement dans «l'armée nationale» mais aussi dans les organes des décisions du Pouvoir appelés nouvel ordre politique au point 19.

II. ANALYSE DU CONTENU DU TEXTE DE L'ACCORD

1. Gel des forces belligérantes en présence : Article I, 2b, 3b et 3c.

Ici les forces d'agression de la R.D.C. sont confirmées et encouragées à rester dans les positions qu'elles occupent au Congo. Le texte ne nous dit pas quand est-ce qu'elles seront délogées du Congo ni par quel mécanisme elles le seront.

2. Le Débat National : Article III points 19 et 20.

Le Débat National est appelé dans le texte Dialogue National.

Dans le même temps où le gouvernement congolais est sommé de dialoguer avec les rebelles armés et agités par les pays agresseurs, il est contraint par la Commission Militaire Mixte (point 12 de l'article III) de capturer et de livrer aux agresseurs leurs propres rebelles. En aucune manière et nulle part, il n'est prescrit aux gouvernements des pays agresseurs ni de capturer et de désarmer les rebelles congolais ni d'organiser des dialogues avec leurs propres rebelles.

3. Le désarmement du Peuple congolais

Les troupes d'interposition de l'ONU et de l'OUA ne viennent pas pour désarmer et rapatrier les forces d'agression de la R.D.C. au contraire, les forces d'interposition viennent pour maintenir et renforcer la paix à partir des positions déjà occupées. C'est là une belle manière de dépecer le Congo et d'affaiblir l'autorité de son Etat.

En outre, ces forces d'interposition viennent pour désarmer le Peuple congolais assimilé aux auteurs de violence et devant être désarmés voir article I point 3c et point 11a de l'article III.

C'est là une manière très subtile d'amener le gouvernement de la R.D.C. à méconnaître le mérite et les sacrifices consentis par le Peuple congolais de Kinshasa et de l'Est du Pays pour briser la capacité de nuisance de l'ennemi (Août 1998 à Kinshasa et résistance des Maï-Maï en cours à l'Est) et pour stopper sa progression à travers tout le pays (le Peuple congolais de Kabinda).

4. Confusion entre les agresseurs de la R.D.C. et les rebelles

En gelant les forces d'agression sur les positions qu'elles occupent au Congo, le cessez-le-feu proposé ne fait aucune distinction entre les agresseurs rwandais, ougandais, burundais et les rebelles congolais. Pourtant, plusieurs déclarations de Kagame confirment bien la présence des forces rwandaises au Congo (Soft International du 10 mai 1999).

5. «Une armée nationale ! »

Les rebelles congolais armés par les forces africaines d'agression sont traités au même pied d'égalité avec les forces armées congolaises qui ont brisé la guerre éclair d'Août 1998 et qui ont stoppé la progression de l'ennemi vers Lubumbashi, vers Mbuji-Mayi et vers Mbandaka avec le concours de nos alliés et, à ces rebelles congolais seront assimilés les éléments d'élite des armées d'occupation pour être intégrés dans la nouvelle armée dite nationale. C'est encore là une manière très subtile d'amener le gouvernement de Salut Public à humilier les courageuses FAC et à se suicider en tant que gouvernement.

III. Constats et Propositions d'amendements.

1. Constats

a) Nos victoires sur l'ennemi transformées en défaite à Lusaka

Le projet d'accord de Lusaka, s'il est signé dans sa forme actuelle va transformer les victoires engrangées par notre Peuple et par les FAC en défaite par :

· l'intégration des rebelles et des forces d'élite d'agression au sein d'une pseudo-armée nationale ;
· le désarmement moral (par la suppression de toute propagande cfr. Article I point 2b) et physique (point 11a de l'article III et point 22).

b) La voie du Pouvoir d'Etat à Kinshasa désormais ouverte aux rebelles et à leurs parrains

Au lieu d'aider à l'évacuation des troupes étrangères installées de force en R.D.C., l'Accord de Lusaka
· les confirme là où elles sont (article I point 2b, 2c et 3c) ;
· vient à leur secours là où elles sont en difficulté (article III point 10) ;
· les intègre dans tous les rouages d'exercice du pouvoir au Congo (article III points 16, 19 et 20) et le texte laisse le soin au Conseil de Sécurité de définir le mandat de la force de maintien de la paix en laissant le Peuple congolais dans l'angoisse quant à ce que vont boutiquer contre lui les puissances qui dominent cette Instance.

2. Nos propositions

1. Postposer la date de la signature.

Onze mois de guerre ne peuvent pas être perdus par 13 jours de conciliabules à Lusaka. En reconnaissance des efforts et des sacrifices consentis par notre Peuple, par les FAC et par nos Alliés, il est nécessaire de postposer la date de la signature de l'Accord de façon à nous permettre d'examiner en profondeur son contenu et de recueillir les avis et considérations de notre Peuple en ce tournant de la guerre.

2. Pas de capitulation

Toute précipitation en ce moment risque de nous remettre, poings et pieds liés aux organismes internationaux qui ont jusqu'ici œuvré à faire le malheur du Peuple congolais depuis l'élimination physique de P. Lumumba en janvier 1961.

3. Appel à la mobilisation générale du Peuple, à l'entraînement et à l'équipement adéquat des FAC et Alliés.

CARTO et le Forum des Progressistes invitent le Peuple congolais à être son propre libérateur et à ne pas se laisser distraire par l'Accord de Lusaka.

Il y a paix et paix. Il y a la paix des gens qui capitulent et qui subissent des humiliations toute leur vie. Et il y a la paix pour ceux qui gardent le sens de la dignité et de l'humanité. Nous sommes opposés au type de paix que Mobutu et ses parrains nous ont imposé pendant 37 ans et qui signifiait pour nous la paix de mourir chaque jour des maladies, de honte de mendicité et de faim. C'est cette paix là que l'ONU veut encore nous imposer avec les marionnettes du R.C.D., continuateurs de Mobutu.

L'objectif des agresseurs de la R.D.C. n'est pas seulement la chasse aux génocidaires rwandais, aux rebelles ougandais et burundais, mais de l'aveu même de Kagame il s'agit de rechercher au Congo des chefs de paille aptes à accepter le rôle tenu jadis par Mobutu consistant à laisser piller les ressources du Congo par les vautours internationaux qui les convoitent :

«Puisqu'il n'y a pas un régime politique stable et responsable au Congo et que le régime tourne le dos à la bonne gouvernance - nous continuons à avoir des problèmes au Rwanda »

«Nous souhaitons réaliser les termes de bonne gouvernance, la démocratie et la stabilité dont nos Peuples ont tant besoin. Nous voulons travailler avec ceux des dirigeants aptes à mener le Peuple au changement. »

«Nous souhaitons changer de manière significative ce qui doit être changé. Bien entendu en accord avec les Congolais eux-mêmes qui doivent être le fer de lance. » (Soft International 10 mai 1999).

Voilà le rôle que Kagame attribue à ses poulains qui vont s'agiter demain au Débat National pour dépouiller Kabila de tous les attributs du pouvoir.

4. En annexe :
La carte du Congo chère à la Banque Mondiale vous montre la place que notre Pays tient dans la convoitise des financiers internationaux qui veulent asservir le Monde. Vous avez là une idée sur les véritables enjeux de la guerre d'agression qui nous est imposée.

Fait à Kinshasa, le 10/07/99

Pour le CARTO et le Forum Démocratique des Forces Progressistes du Congo

BADIBANGA Mpumbu, KILUMBA Kasoya, MFUNI Kazadi,